Published by Éditions Gallimard in the collection “Du monde entier”, the novel by Dima Wannous, a Syrian writer born in 1982, is an impressive text on the trauma of war, memory and writing. An urgent read.
A man and a young woman meet in the waiting room of a psychiatrist under the eye of Layla, the medical secretary. Sulayma and Nassim consult for anxiety disorders: anxiety, panic attacks, self-mutilation but especially “fear of fear”, insidious and vertiginous disease which is the “fear of having to face one’s anxieties”.
Nassim, a refugee in Germany, sent a manuscript to Sulayma: “He sent it to me as his fourth novel, which I thought was in fact finished. But after having devoured every letter and every word, attentive to every point and every comma, I realized that the novel was unfinished. That there was no conclusion as required by any novel. It is more like the autobiography of a woman steeped in fear. Like me. Like him.”
From then on, the text breaks up into two synoptic parts: Nassim’s manuscript and Sulayma’s account. Nassim advances facts, Sulayma delivers a genealogy of fear. Sulayma was bound to her father by a fusion love. Porous to her father’s own anxieties, she reviews childhood memories, sometimes mild, often harsh and violent. The two stories do not complement each other, but they are not autonomous. They are linked beyond absence. Both seek to get rid of memories, to relieve themselves of a memory too heavy fuel of fear: “I deserted my memory to invest the lives of others. The love bond between Sulayma and Nassim borders on assimilation, each taking charge of the suffering of the other.
“Is there something more obvious than fear?” The narrator wonders in the middle of the book. It seems obvious to a whole people, indeed, whose abominable ordeal has come to us in bits and pieces for a few years now. “This is Nassim who steals my father’s story and our anxious childhood to dress his main character. I would tell him that he would answer that my family and I are only four people out of the twenty-three million terrified Syrians (…) we are all one story.” The frightened, with its incandescent writing, its often luminous formulas (“nothing separated his soul from his body”) is a book that reaches you deeply and requires the reader to let go completely to appreciate its full strength . Impeccable translation of François Zabbal. Note that the novel was finalist of the International Prize for Arab Fiction in 2018.
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Publié par les Éditions Gallimard dans la collection « Du monde entier », le roman de Dima Wannous, écrivaine syrienne née en 1982 est un impressionnant texte sur le traumatisme de guerre, la mémoire et l’écriture. À lire de toute urgence.
Un homme et une jeune femme se rencontrent dans la salle d’attente d’un psychiatre sous l’œil de Layla, la secrétaire médicale. Sulayma et Nassim consultent pour des troubles d’anxiété : angoisses, crises de panique, automutilation mais surtout « peur de la peur », mal insidieux et vertigineux qui est la « peur de devoir affronter ses angoisses. » Nassim, réfugié en Allemagne fait parvenir un manuscrit à Sulayma : « il me l’avait envoyé en le présentant comme son quatrième roman que je croyais en fait terminé. Mais après en avoir dévoré chaque lettre et chaque mot, attentive à chaque point et à chaque virgule, je m’aperçus que le roman était inachevé. Qu’il y manquait une conclusion comme l’exige tout roman. Celui-ci ressemble plutôt à l’autobiographie d’une femme pétrie par la peur. Comme moi. Comme lui. » Dès lors, le texte se fragmente en deux parties synoptiques : le manuscrit de Nassim et le récit de Sulayma. Nassim avance des faits, Sulayma livre une généalogie de la peur. Sulayma était liée à son père par un amour fusionnel. Poreuse aux propres angoisses de son père, elle passe en revue des souvenirs d’enfance, parfois doux, souvent durs et violents. Les deux récits ne se complètent pas, mais ils ne sont pas pour autant autonomes. Ils existent comme lien pur au-delà de l’absence. Tous deux racontent pour se débarrasser des souvenirs, pour se délester d’une mémoire trop lourde, combustible de la peur : « J’ai déserté ma mémoire pour investir la vie des autres. » Le lien amoureux entre Sulayma et Nassim confine à l’assimilation, chacun prenant en charge la souffrance de l’autre.
« Y a-t-il quelque chose de plus évident que la peur ? » se demande la narratrice en plein mitant du livre. Elle paraît évidente pour tout un peuple, en effet, dont l’abominable calvaire nous parvient par bribes depuis quelques années maintenant. « Voilà Nassim qui vole l’histoire de mon père et de notre enfance anxieuse pour en habiller son personnage principal. Je le lui dirais qu’il répondrait que ma famille et moi ne sommes que quatre personnes sur les vingt-trois millions de Syriens épouvantés (…) nous formons tous une seule histoire. » Ceux qui ont peur, avec son écriture incandescente, ses formules souvent lumineuses (« rien ne séparait son âme de son corps ») est un livre qui vous atteint profondément et qui exige du lecteur un lâcher-prise total pour en apprécier toute la force. Impeccable traduction de François Zabbal. À noter que Ceux qui ont peur a été finaliste du Prix international de la fiction arabe en 2018.