Press
October 10, 2010
La Vie Littéraire reviews Abdullah Thabit’s novel

La Vie Littéraire reviews Abdullah Thabit’s novel

“Abdullah Thabet, Le terroriste n°20”, par Matthieu Baumier pour La Vie Littéraire

Comment procède la fabrique de l’individualité terroriste au sein de l’islamisme politique radical? Telle est l’effrayante question que pose, et travaille, l’écrivain saoudien Abdullah Thabet dans ce roman, Le terroriste n°20. Autrement dit, l’homme qui aurait pu être le vingtième terroriste lançant son avion, sa vie et celles des passagers contre les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001. On a beaucoup écrit sur cet événement, particulièrement dans le domaine romanesque. Outre la qualité littéraire qui lui est inhérente, ce livre présente l’intérêt fondamental d’être l’oeuvre d’un écrivain de langue arabe, né dans le pays qui a donné naissance à al-Qaida.

C’est donc bien plus qu’un simple roman. Abdullah Thabet est né en 1973 à Abba, ville où se situe l’essentiel de l’action d’un roman qui ressemble presque au récit d’une histoire vécue. Du pouvoir de la fiction. Spécialisé en langue et littérature arabe, diplômé en sciences politiques, voilà un romancier qui sait de quoi il parle. Devenu éditorialiste du quotidien Al Watan, il est l’auteur de plusieurs romans mais Le terroriste n° 20, paru en 2006 dans le monde arabe, est
son premier livre traduit en France. Thabet conte le parcours de Zahi, écolier dans une école coranique où la pratique de la punition corporelle est d’usage, lycéen, ensuite, dans un lieu où il côtoie et participe à un groupe d’endoctrinement et de formation de militants islamistes politiques radicaux, groupe dont il devient du reste un référent. Le voici sous le joug d’une doctrine fermée, refusant néanmoins de se rendre en Afghanistan, une histoire sur fond de guerres au Koweit puis en Irak. Zahi s’éloigne de sa famille, est en partie renié par son père… Il tourne mal, en somme, et tourner mal dans son milieu cela signifie approcher du jour où une bombe accrochée au corps l’on se fait sauter pour tuer le plus d’innocents possible. Zahi n’ira pas jusque là mais ses compagnons, ceux de son groupe, seront nombreux dans les avions du 11 septembre. Tout l’intérêt de ce roman réside dans la manière dont Thabet montre les tiraillements subis par Zahi, attiré par l’action politique, doutant de cette même action, fondamentaliste islamiste un temps, rejeté par ses compagnons, accusé d’avoir goût pour les jeunes garçons ; il y a aussi cette façon de détailler la manière dont le groupe le prend en charge, par l’intermédiaire du football, lui donne progressivement des responsabilités, le conduit peu à peu sur un chemin totalitaire.

Il y a, encore, l’espoir : il suffit de peu de choses pour sortir tous les Zahi des griffes dans lesquelles on tente de les enserrer. Même si ces mêmes griffes rappelleront bien des choses à ceux qui sont attentifs à l’histoire politique réelle d’autres espaces du monde, l’Allemagne des années 30 par exemple. Si les enseignants des lycées français cherchent un outil afin d’aider à comprendre le processus qui conduit à devenir un terroriste dans le monde contemporain, ils n’ont plus besoin de chercher : lire Le terroriste n° 20 donne réponses et pistes.