The great Lebanese writer Elias Khoury just published Stella Maris, a vast epic on Palestine. He shares his thoughts on hot news of an Israeli-Palestinian conflict.
In Stella Maris (Actes Sud), Elias Khoury explores identity, memory, voluntary amnesia, betrayal and the relationships between the Shoah and the Nakba. Currently editor-in-chief of the Arabic edition of the Review Palestinian studies, Elias Khoury, Lebanese citizen (born in Beirut in 1948), decided, in the 1960s, to become a member of Fatah, then the largest Palestinian resistance organization in the Liberation Organization of Palestine (PLO). In 1975, he was seriously injured during the civil war in Lebanon, in which he took part. He speaks to us from Beirut, where he lives.
Your public positions, as well as all your writings have always testified to secular convictions and democratic. Are we not witnessing, conversely, the absolute exasperation of religion for political purposes, whose ins and outs act well beyond the geographical area of Gaza and Israel?
I am a secular man, a left-wing democrat. I have very clearly criticized the movement and the ideology of Islamists but the Palestinian Authority, our secularist comrades in Palestine have stopped resisting the occupation. They work under occupation. This creates a very serious problem for us and for our comrades including in the Fatah (the political branch of the PLO created by Yasser Arafat). During the second intifada, Fatah created the Al-Aqsa Martyrs Brigades (army branch of Fatah). This movement was destroyed by the Palestinian Authority. Today, young people are angry against this authority which does not represent them.
What to do in the face of so many violent deaths and massacres of innocents?
Massacres must always be condemned. And I remember that there have been massacres in weddings of people in the occupied territories. The Israeli army enters the homes of Palestinians, and does whatever it wants, it terrifies families, destroys buildings, grabs young people aged 14-15 whom it throws into prison. We recall what took place last February in Huwara, in the occupied West Bank: This Palestinian town near Nablus was completely burned by settlers Israelis under the eyes of the army. If we are talking about violence, everyone must stops the violence, otherwise it is impossible to talk to each other. We must go, once and for all, towards a rational solution: giving the Palestinian people the right to self-determination. Isn’t it the only people in the world to be under colonization today? How do supporters of human rights accept this?
Alongside the Palestinian poet Mahmoud Darwish, among other things, you fought tirelessly against ignorance, factor of hatred and cruelty. In this period, is it now the time to ask ourselves what literature can do?
It can do small and big things. Small in the face of wars like what we are experiencing, but also very big things, like emphasizing the human values. The world is suffering of the lack of values, everywhere, from the east to the west, from China to the France. When I hear what Ms. Le Pen says about Palestine: “we must throw the Palestinians into the desert of Sinai! » Hearing a French politician woman expressing herself in this way. For us, for all the intellectuals of the world, the French Revolution has played such a big role in our consciousness, in our human and cultural values. See what’s happening now. It’s truly sad.
The solution, once envisaged, of two States, since long compromised, is it still conceivable?
It is completely obsolete, because the Israelis wanted it to be. Now in the West Bank there are 700,000 settlers. Today, especially with new political trends, which are religious and fascistic, the Israelis will not let cities like Nablus or Hebron fall. For them, it is indeed a myth, on which their State is based.
What can we say if we place these tragic events in the general context of the state of the world where wars or all its forms manifest themselves here and there, carried by iron regimes?
We have almost entered the fourth World War. I always think of this remark right from Karl Marx: “Humanity must choose between barbarism and socialism. » It seems that humanity has chosen barbarism. Capitalism is one of the manifestations of this barbarism.
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In its original French version below:
Elias Khoury et le conflit israélo-palestinien : « Que tout le monde arrête la violence »
Le grand écrivain libanais Elias Khoury vient de publier l’Étoile de la mer, vaste épopée sur la Palestine. Il nous fait part de ses réflexions sur l’actualité brûlante d’un conflit israélo-palestinien qui a de si profondes racines.
Elias Khoury vient de publier l’Étoile de la mer (Actes Sud), épopée palestinienne dans laquelle il explore l’identité, la mémoire, l’amnésie volontaire, la trahison et les rapports entre la Shoah et la Nakba. Actuellement rédacteur en chef de l’édition arabe de la Revue d’études palestiniennes, Elias Khoury, citoyen libanais (né à Beyrouth en 1948), décidait, dans les années 1960, de devenir membre du Fatah, alors la plus importante organisation de résistance palestinienne dans l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). En 1975, il fut sérieusement blessé lors de la guerre civile au Liban, à laquelle il prit part. Il nous parle depuis Beyrouth, où il vit.
Vos prises de position publiques, ainsi que tous vos écrits, ont toujours témoigné de convictions laïques et démocratiques. N’assiste-t-on pas, à l’inverse, à l’exaspération absolue du religieux à des fins politiques, dont les tenants et aboutissants agissent bien au-delà de l’aire géographique de Gaza et d’Israël ?
le suis un homme laïque, un démocrate de gauche. J ’ai toujours très clairement critiqué le mouvement et l’idéologie islamistes mais l’Autorité palestinienne, nos camarades laïques en Palestine ont cessé de résister à l’occupation. Ils travaillent sous l’occupation. Cela crée une situation très
grave et très problématique pour nous et pour nos camarades dont le Fatah (la branche politique de l’OLP créée par Yasser Arafat). Lors de la seconde intifada, le Fatah a créé les brigades des martyrs d’Al-Aqsa (branche arrnée du Fatah). Ce mouvement a été détruit par l’Autorité palestinienne. Aujourd’hui, les jeunes sont en colère contre cette autorité qui ne les représente pas.
Que faire, face à tant de morts violentes et de massacres d’innocents?
Les massacres sont toujours à condamner. Et je rappelle que cela fait cinquante ans qu’il y a des massacres d’innocents dans les territoires occupés. L’armée israélienne entre dans les maisons des Palestiniens. Elle fait tout ce qu’elle veut, elle terrifie les familles, détruit les bâtiments, s’empare de jeunes gens de 14-15 ans qu’elle jette en prison. Rappelons -nous ce qui eut lieu, en février dernier, à
Huwara, en Cisjordanie occupée. Cette ville palestinienne près de Naplouse a été totalement brûlée par des colons israéliens sous les yeux de l’armée. Si on parle de violence, il faut que tout le monde arrête la violence, sinon impossible de se parler. II faut aller, une fois pour toutes, vers une solution rationnelle : donner au peuple palestinien le droit à l’autodétermination. N’est-il pas le seul peuple au monde à être aujourd’hui sous colonisation? Comment les partisans des droits de l’homme peuvent-ils accepter ça?
Aux côtés du poète palestinien Mahmoud Darwich, entre autres, vous avez lutté sans répit contre l’ignorance, facteur de haine et de cruauté. En cette période, est-ce bien le moment de se demander ce que peut la littérature?
Elle peut très peu et beaucoup de choses. Peu face à des guerres comme ce que nous sommes en train de vivre, mais elle peut aussi de très grandes choses, comme insister sur les va leurs humaines. Le monde souffre du manque de valeurs, partout, de l’est à l’ouest, de la Chine jusqu’à la France. Quand j’entends ce que madame Le Pen dit sur la Palestine : « Il faut jeter les Palestiniens dans le désert
du Sinaï ! » Entendre une femme politique française s’exprimer de cette façon. Pour nous, pour tous les intellectuels du monde, la Révolution française a joué un si grand rôle dans notre conscience, dans nos valeurs humaines et culturelles. Voir ce qui se passe maintenant. C’est vraiment triste.
La solution, jadis envisagée, de deux États, depuis longtemps compromise, est-elle encore concevable?
Elle est totalement caduque, car les Israéliens l’ont voulu ainsi. Maintenant, en Cisjordanie, il y a 700 000 colons.Aujourd’hui, surtout avec les nouvelles tendances politiques, qui sont religieuses et fascisantes, les Israéliens ne laisseront pas tomber des villes comme Naplouse ou Hébron. Pour eux, il s’agit bien d’un mythe, sur lequel se fonde leur État.
Que dire, si l’on replace ces événements tragiques dans le contexte général de l’état du monde où la guerre sous toutes ses formes se manifeste ici et là,portée par des régimes de fer?
Nous sommes pratiquement entrés dans la quatrième guerre mondiale. Je pense à cette remarque toujours juste de KarlMarx : «L’humanité doit choisir entre la barbarie et le socialisme. » II semble que l’humanité ait choisi la barbarie. Le capitalisme est l’une des manifestations de cette barbarie.