Le Liban de la cave au grenier, by Agnès Rotivel, La Croix
Dans le village de Ayn Wardeh, sur les hauteurs de Beyrouth, la maison des AI Baz abrite dans chaque pièce les souvenirs d’une grandeur aujourd’hui disparue. A la mort du père, les deux fils, Jojo et Reda, se retrouvent chez le notaire et doivent se render à l’évidence: ils ne peuvent se séparer de ce lourd héritage. Car selon la loi au Liban, les biens de mainmorte ne peuvent être ni vendus, ni partagés, tant que les deux héritiers, en l’occurrence les deux frères, sont vivants. «Cette famille chrétienne est bloquée à cause de la mainmorte, comme le Liban est bloqué par son communautarisme, explique l’auteur, Jabbour Douaihy. Les libanais n’ont d’autre choix que de vivre ensemble parce qu’ils ne peuvent pas diviser le pays ».
La vie commune difficile pousse le frère aîné, Jojo, marié à une Autrichienne, Margaret, à déménager pour s’installer à Beyrouth, tout en emportant des meubles. À regret, Margaret quitte la maison qu’elle rêvait de transformer en motel pour lequel elle avait déjà choisi le nom «Rose Fountain Motel». Mais son projet ne rencontre que mépris de la part de la famille. « Qui n’épouse pas une Libanaise périra de chagrin… », s’exclame la vieille tante Nohad, résumant le sentiment général envers les «étrangers ». Véritable âme de la demeure, Nohad, qui, jeune, cultivait l’ambiguïté en s’habillant en homme, doit elle aussi quitter Ayn Wardeh pour une maison de retraite. Tout comme Julia, la mère de Jojo et Reda, qui, elle aussi, en son temps, a dû lutter pour se faire accepter dans cette famille.
Reste Reda, le plus jeune fils. Célibataire, il partage les murs avec une famille d’Arabes bédouins depuis longtemps au service de la famille. Homme cultivé, sensible, original, Reda est incapable de faire face à la réalité de la vie et du monde, comme de dialoguer avec les siens. Il vit retranché dans sa chambre, au premier étage, derrière une porte blindée. Occasionnellement, il joue aux échecs, face à son écran d’ordinateur, et redoute le contact. Une maladie de peau le maintient opportunément à distance. Les curieux peuvent de temps à autres apercevoir sa silhouette, derrière la fenêtre. Rarement il descend et ses repas sont hissés à l’étage, dans un panier à l’aide d’une corde. Seul Abbas, le père de la famille bédouine est autorisé à monter une fois par jour pour prendre l’argent des courses.
La vie hors les murs de la maison le terrorise. Jusqu’à ce qu’il rencontre Nadia, une jeune Libanaise dont il tombe amoureux et avec qui il entretient une relation à part, exclusive, dans laquelle elle étouffe. Nadia est sa muse, mais est-elle bien réelle? Sa mort prématurée dans un accident de voiture replonge rapidement Reda dans un enfermement encore plus profond. La présence d’une jeune femme bédouine, sensuelle et décomplexée, réveille momentanément ses désirs enfouis.
Le romancier, Jabbour Douaihy, est lui-même chrétien maronite, originaire de Zghorta, à quelques kilomètres de Tripoli, la grande ville sunnite du nord du Liban. Ses personnages comme ses scènes sont croqués avec un humour parfois incisif, qui n’est pas sans rappeler le cinéma néoréaliste italien. Il peint dans ce quatrième roman une société libanaise chrétienne conservatrice où les apparences, le nom, les origines sociales et géographiques, restent primordiales. Même la guerre, qui résonne en toile de fond, ne chamboule pas les codes.
Dans le village de Ayn Wardeh, sur les hauteurs de Beyrouth, la maison des AI Baz abrite dans chaque pièce les souvenirs d’une grandeur aujourd’hui disparue. A la mort du père, les deux fils, Jojo et Reda, se retrouvent chez le notaire et doivent se render à l’évidence: ils ne peuvent se séparer de ce lourd héritage. Car selon la loi au Liban, les biens de mainmorte ne peuvent être ni vendus, ni partagés, tant que les deux héritiers, en l’occurrence les deux frères, sont vivants. «Cette famille chrétienne est bloquée à cause de la mainmorte, comme le Liban est bloqué par son communautarisme, explique l’auteur, Jabbour Douaihy. Les libanais n’ont d’autre choix que de vivre ensemble parce qu’ils ne peuvent pas diviser le pays ».
La vie commune difficile pousse le frère aîné, Jojo, marié à une Autrichienne, Margaret, à déménager pour s’installer à Beyrouth, tout en emportant des meubles. À regret, Margaret quitte la maison qu’elle rêvait de transformer en motel pour lequel elle avait déjà choisi le nom «Rose Fountain Motel». Mais son projet ne rencontre que mépris de la part de la famille. « Qui n’épouse pas une Libanaise périra de chagrin… », s’exclame la vieille tante Nohad, résumant le sentiment général envers les «étrangers ». Véritable âme de la demeure, Nohad, qui, jeune, cultivait l’ambiguïté en s’habillant en homme, doit elle aussi quitter Ayn Wardeh pour une maison de retraite. Tout comme Julia, la mère de Jojo et Reda, qui, elle aussi, en son temps, a dû lutter pour se faire accepter dans cette famille.
Reste Reda, le plus jeune fils. Célibataire, il partage les murs avec une famille d’Arabes bédouins depuis longtemps au service de la famille. Homme cultivé, sensible, original, Reda est incapable de faire face à la réalité de la vie et du monde, comme de dialoguer avec les siens. Il vit retranché dans sa chambre, au premier étage, derrière une porte blindée. Occasionnellement, il joue aux échecs, face à son écran d’ordinateur, et redoute le contact. Une maladie de peau le maintient opportunément à distance. Les curieux peuvent de temps à autres apercevoir sa silhouette, derrière la fenêtre. Rarement il descend et ses repas sont hissés à l’étage, dans un panier à l’aide d’une corde. Seul Abbas, le père de la famille bédouine est autorisé à monter une fois par jour pour prendre l’argent des courses.
La vie hors les murs de la maison le terrorise. Jusqu’à ce qu’il rencontre Nadia, une jeune Libanaise dont il tombe amoureux et avec qui il entretient une relation à part, exclusive, dans laquelle elle étouffe. Nadia est sa muse, mais est-elle bien réelle? Sa mort prématurée dans un accident de voiture replonge rapidement Reda dans un enfermement encore plus profond. La présence d’une jeune femme bédouine, sensuelle et décomplexée, réveille momentanément ses désirs enfouis.
Le romancier, Jabbour Douaihy, est lui-même chrétien maronite, originaire de Zghorta, à quelques kilomètres de Tripoli, la grande ville sunnite du nord du Liban. Ses personnages comme ses scènes sont croqués avec un humour parfois incisif, qui n’est pas sans rappeler le cinéma néoréaliste italien. Il peint dans ce quatrième roman une société libanaise chrétienne conservatrice où les apparences, le nom, les origines sociales et géographiques, restent primordiales. Même la guerre, qui résonne en toile de fond, ne chamboule pas les codes.